L’Etat du Texas boycotte BNP Paribas et d’autres banques jugées trop « vertes »

Oeil pour oeil, dent pour dent. Au Texas, on n’apprécie pas du tout la vogue de l’investissement durable, et encore moins que les plus grandes institutions financières mondiales se détournent des énergies fossiles pour complaire aux investisseurs. Un rejet vécu comme un affront par le premier Etat producteur d’hydrocarbures du pays, qui a annoncé des mesures de rétorsion.

Mercredi, le contrôleur financier du Texas Glenn Hegar a dévoilé une liste de 10 institutions financières et de 348 fonds d’investissement accusés de « boycotter les producteurs d’énergie ». La première banque de la zone euro, BNP Paribas, y figure (elle n’a pas souhaité commenter), ainsi que les européens UBS, Credit Suisse, Danske Bank, Nordea Bank, Svenska Handelsbanken, Swedbank. Le géant de la gestion BlackRock et plusieurs véhicules d’investissement de Fidelity ou du fonds de pension des enseignants TIAA-CREF sont également mis à l’index.

En pratique, les fonds de pension d’Etat, tel celui qui gère les retraites des enseignants texans (200 milliards de dollars sous gestion en 2021), sont priés d’aller investir leur fortune ailleurs. Ils ont trente jours pour notifier d’éventuels placements auprès des fonds « scélérats », et ne pourront conserver leurs positions qu’en justifiant une vraie nécessité. De même, les émetteurs d’obligations municipales texanes vont devoir se détourner des bannis.

« Un système opaque et pervers »

« La responsabilité sociale, environnementale et de gouvernance (RSE) a produit un système opaque et pervers dans lequel certaines firmes financières ne prennent plus leurs décisions dans l’intérêt de leurs actionnaires ou de leurs clients, mais utilisent leur force de frappe financière pour pousser un agenda social et politique nimbé de secret », a justifié Glenn Hegar.

Il a aussi critiqué le « double langage de certaines institutions qui s’engagent publiquement dans une rhétorique anti-pétrole et anti-gaz, mais qui racontent tout autre chose en privé », et plaidé qu’une « industrie texane vibrante du gaz et du pétrole était une force de stabilisation dans l’environnement économique et géopolitique actuel. »

En réalité, plusieurs émetteurs d’obligations municipales n’ont pas attendu la publication de cette « liste verte » pour prendre leurs distances. La loi texane qui sous-tend ces mesures de rétorsion ayant été votée en septembre 2021, la chasse aux sorcières a déjà commencé.

Larry Fink, le patron de BlackRock, a notamment été accusé par les procureurs généraux de 19 Etats, dont le Texas, de préférer la RSE au rendement pour l’actionnaire. La firme a fait profil bas. À la suite de la publication de la « liste verte », elle s’est défendue en rappelant qu’elle avait investi plus de 100 milliards dans des groupes énergétiques opérant au Texas, dont Exxon.

Lois « anti-woke »

Cette liste évolutive n’est que le dernier épisode de la révolution culturelle conservatrice qu’entend mener le Texas, un Etat anti-avortement, qui défend le port d’armes et son mode de vie contre les diktats du politiquement correct de la côte Est. Ce n’est pas le combat d’arrière-garde d’un territoire qui ne parvient pas à s’adapter, puisque cet Etat est aussi le leader américain de la production d’énergie renouvelable (14 % du total).

Le mouvement « anti-woke » a marqué des points depuis l’année dernière. Au Texas, JPMorgan Chase, Bank of America et Goldman Sachs ont été exclus du marché des obligations d’Etat pour leur positionnement hostile aux fabricants d’armes. Les entreprises qui aident leurs salariés en cas d’avortement sont également dans le viseur. Dix-sept Etats dirigés par les Républicains ont adopté des lois « anti-woke » similaires.